En nous perdant, j'avais aussi perdu ce pincement que j'avais au cœur quand je mettais à fondre du chocolat avec du beurre. Aussi, mélanger du yaourt avec de la farine, et du sucre, et des oeufs, du lait, de la vanille, de la cannelle, et une pincée de sel, de la levure - parfois - quand on ne monte pas les blancs en neige. Tout dépendait des jours et des placards. C'était comme une sorte de rituel, un tableau, quelque chose que nous aimions, que nous partagions. Avant aujourd'hui, je ne l'avais plus fait, manque de temps, d'envie, de quelqu'un. Comme un vide quelque part. Et puis un jour, on ressort les cuillères en bois, on lui dit, à celle que tu avais failli remplacer "Allez viens, allons faire la cuisine!" sur je ne sais quel ton, un ton d'ennui peut-être. Et puis on se rend compte que même avec le temps il y a des choses qui restent gravées en nous, toujours un peu de toi dans le placard, dans la levure et le chocolat. Même que plus tard, quand on m'appellera maman, tous les jeudis je ferai un gâteau. Et puis comme je le dis souvent, en guise de consolation peut-être, il y a deux sortes d'amour.
Mais à la différence des autres, ce gâteau là est le fils de celui qui dure.